Sur le plan juridique, la différence est nette. Le départ volontaire à la retraite, c’est vous qui décidez de partir. La mise à la retraite, c’est l’employeur qui vous pousse gentiment vers la sortie (à partir de 70 ans, sans votre accord).
En pratique, les conséquences sont lourdes :
- En cas de départ volontaire, vous touchez l’indemnité légale prévue par le Code du travail, à condition d’avoir au moins 10 ans d’ancienneté.
- En cas de mise à la retraite, l’indemnité est soumise aux mêmes règles que le licenciement, donc souvent plus avantageuse (et exonérée de certaines cotisations sociales).
À cet égard, mieux vaut parfois attendre que l’employeur fasse le premier pas… pourvu que vous soyez prêt à jouer la montre.
2. Conditions d’éligibilité : qui peut prétendre à quoi, et quand ?
Dans les faits, pour bénéficier d’une prime de départ à la retraite, il faut :
- Être en CDI (les CDD n’ouvrent pas droit à cette indemnité, sauf cas très particuliers).
- Avoir au moins 10 ans d’ancienneté dans l’entreprise.
- Partir à la retraite avec des droits ouverts (âge légal atteint + trimestres requis).
- Respecter le préavis (identique à celui d’un licenciement).
Le cas échéant, certaines conventions collectives peuvent assouplir ces critères. Par exemple, dans le secteur bancaire, la prime peut être versée dès 5 ans d’ancienneté. En parallèle, les entreprises publiques appliquent souvent des règles spécifiques, parfois plus généreuses.
3. Montants légaux minimums : ce que dit le Code du travail
Voici les montants minimaux prévus par la loi pour un départ volontaire :
| Ancienneté | Montant minimum |
|---|---|
| 10 à 15 ans | ½ mois de salaire |
| 15 à 20 ans | 1 mois de salaire |
| 20 à 30 ans | 1,5 mois de salaire |
| +30 ans | 2 mois de salaire |
Le salaire de référence est calculé soit sur les 12 derniers mois, soit sur les 3 derniers mois, selon ce qui est le plus avantageux. En pratique, si vous avez touché une prime exceptionnelle récemment, mieux vaut opter pour les 3 derniers mois.
Exemple : une prime annuelle de 1200 € versée en décembre sera prise en compte à hauteur de 300 € (1200 ÷ 12 × 3).
4. Cas pratiques chiffrés : combien ça donne vraiment ?
Prenons deux exemples concrets.
Cas n°1 : Salarié avec 12 ans d’ancienneté, salaire brut mensuel de 2500 €
- Ancienneté : entre 10 et 15 ans → ½ mois de salaire
- Salaire de référence : 2500 €
- Prime brute : 1250 €
Cas n°2 : Salarié avec 28 ans d’ancienneté, salaire brut mensuel de 3200 €
- Ancienneté : entre 20 et 30 ans → 1,5 mois de salaire
- Salaire de référence : 3200 €
- Prime brute : 4800 €
Attention : ces montants sont bruts. Après cotisations sociales (CSG, CRDS, etc.), le net perçu peut être réduit de 10 à 20 %, sauf exonérations spécifiques en cas de mise à la retraite.
5. Convention collective et négociation : comment booster le montant
Dans la mesure où votre convention collective peut prévoir des montants supérieurs au minimum légal, il est crucial de la consulter. Par exemple :
- Dans la métallurgie, la prime peut atteindre 3 mois de salaire après 30 ans d’ancienneté.
- Dans le secteur de l’assurance, elle est souvent majorée de 20 %.
Mais ce n’est pas tout. Vous pouvez négocier directement avec votre employeur, surtout si vous partez dans un contexte favorable (plan de départ, restructuration, etc.). Quelques leviers utiles :
– Mettre en avant votre rôle clé dans la transmission des compétences – Proposer un accompagnement à la relève – Demander une prime exceptionnelle en plus de l’indemnité légale
En pratique, certains salariés obtiennent jusqu’à 6 mois de salaire en cumulant indemnité légale, prime conventionnelle et bonus négocié.
6. Choisir la bonne date : un timing qui peut tout changer
Partir le 1er janvier ? Une idée pas si folle.
Grâce à ce choix stratégique, la prime de départ peut être intégrée dans les 25 meilleures années retenues pour le calcul de la pension de base. À condition que le revenu de l’année soit supérieur à la moyenne des autres années.
Autre astuce : éviter de partir en fin d’année, surtout si vous avez touché des primes exceptionnelles. En effet, cela pourrait gonfler artificiellement votre revenu annuel et entraîner une surcotisation.
En attendant, pensez à vérifier votre relevé de carrière et à simuler l’impact de la prime sur votre retraite complémentaire (Agirc-Arrco).
7. Cas particuliers : invalidité, départ anticipé, rupture conventionnelle
Dans certains cas, la prime de départ peut être remplacée ou complétée par d’autres dispositifs :
- En cas d’invalidité, vous pouvez bénéficier d’une indemnité spécifique, souvent plus élevée.
- En cas de rupture conventionnelle proche de la retraite, vous pouvez négocier une indemnité de rupture + une prime de départ (si vous partez ensuite en retraite).
- Pour un départ anticipé, certaines entreprises proposent des plans de transition avec accompagnement et bonus.
Quoi qu’il en soit, mieux vaut se faire accompagner par un conseiller juridique ou un expert RH pour éviter les pièges.
8. Coordination avec la retraite complémentaire : ne rien laisser au hasard
La prime de départ n’a pas d’impact direct sur les points Agirc-Arrco, sauf si elle est versée en tant que salaire. Dans ce cas, elle peut augmenter le revenu de l’année et donc le nombre de points acquis.
En parallèle, certaines entreprises versent une prime de fin de carrière dans le cadre de leur régime complémentaire. Il faut donc vérifier les accords internes et les dispositifs spécifiques.
9. Comparaisons européennes : la France, bonne élève ou cancre ?
Par rapport à l’Allemagne ou aux Pays-Bas, la France reste plutôt généreuse en matière de prime de départ. En Allemagne, l’indemnité est souvent négociée au cas par cas, sans minimum légal. Aux Pays-Bas, elle dépend du type de contrat et du régime de retraite.
À l’instar de certains pays nordiques, la France combine indemnité légale, convention collective et retraite complémentaire, ce qui permet une sortie plus confortable… pour autant que l’on maîtrise les règles.
10. Secteur privé, public, entreprises publiques : chacun sa recette
Dans le secteur public, la prime de départ est souvent remplacée par une indemnité de fin de carrière, calculée selon des barèmes spécifiques. Elle peut être plus faible, mais compensée par une pension plus élevée.
Dans les entreprises publiques (SNCF, EDF…), les règles sont hybrides : conventions internes + Code du travail. Résultat : des primes parfois très avantageuses, mais soumises à des conditions strictes.
En fin de compte : ce qu’il faut retenir (et appliquer)
– Vérifiez votre ancienneté, votre contrat et votre convention collective – Choisissez le bon moment pour partir (et simulez l’impact sur votre pension) – Négociez si possible une prime supérieure au minimum légal – Anticipez les cotisations sociales pour connaître le montant net – Coordonnez avec votre retraite complémentaire pour maximiser vos droits