Introduction
On sous-estime souvent le verbe « prendre ». On se dit que c’est un verbe courant, sans surprise. Et pourtant, il concentre plusieurs pièges classiques de la conjugaison française: alternance des bases, accords du participe passé, futur vs conditionnel, subjonctif…
Maîtriser le présent sans pièges
Ce qu’on croit: On écrit « je prend » et « ils prenent », c’est plus logique et plus simple.
Ce qui se passe vraiment: Le présent de « prendre » alterne entre trois bases. D’une part, pour je, tu, il/elle: je prends, tu prends, il prend. D’autre part, « pren- » pour nous et vous: nous prenons, vous prenez. Enfin, « prenn- » pour ils/elles: ils prennent. En d’autres termes, le d disparaît dès que la terminaison commence par n, et la 3e personne du pluriel double le n. De façon générale, l’oreille peut tromper; l’écrit, lui, exige cette alternance.
Ce qu’il faut faire: Retenir une grille simple et l’appliquer systématiquement, avec des micro-tests.
- Formes correctes: je prends, tu prends, il prend, nous prenons, vous prenez, ils prennent.
- Règle éclair: le d saute avec les formes en n; au pluriel 3, le n se double.
- Exemples:
- Usage courant: « Je prends le métro », « Nous prenons une décision », « Ils prennent un café ».
- Mini-test: Remplacez par « venir ». Si vous diriez « ils viennent » avec double n, vous écrirez « ils prennent » avec double n.
À long terme, cette routine ancre la bonne orthographe et évite les hésitations, quoi qu’il en soit.
Passé composé et accords du participe passé
Ce qu’on croit: Avec « avoir », on n’accorde jamais « pris » ; c’est figé.
Ce qui se passe vraiment: « Prendre » se conjugue au passé composé avec « avoir » et son participe passé est « pris ». Par conséquent, on n’accorde « pris » que si un COD est placé avant le verbe: « Les clés que j’ai prises » (accord avec « clés »). En revanche, pas d’accord si le COD est après ou s’il n’y en a pas: « J’ai pris les clés »; pas d’accord avec « en » non plus: « J’en ai pris » reste invariable. Sous un autre angle, avec le pronominal « se prendre », l’auxiliaire est « être », mais l’accord dépend de la fonction de « se »: « Elles se sont prises en photo » (COD = se), « Elles se sont pris la tête » (se est COI, donc invariable).
Ce qu’il faut faire: Appliquer une procédure en trois questions et s’y tenir.
- Étape 1: Y a-t-il un COD avant « avoir »?
- Exemple: « Les photos que j’ai prises » → oui, accord.
- Étape 2: Le pronom est-il « en »?
- Exemple: « Des bonbons, j’en ai pris » → invariable: pris.
- Étape 3: Verbe pronominal? Vérifier la fonction de « se ».
- Exemple COD: « Elles se sont prises au jeu » → accord: prises.
- Exemple COI: « Elles se sont pris des remarques » → invariable: pris.
- Pense-bête: participe passé de « prendre » = « pris »; de « apprendre » = « appris »; de « comprendre » = « compris ».
Au fil du temps, cette grille réduit les erreurs d’accords qui coûtent cher à l’œil.
Imparfait, passé simple et valeur des temps
Ce qu’on croit: « Je prenais » et « j’ai pris », c’est pareil, on parle juste du passé.
Ce qui se passe vraiment: L’imparfait décrit une action durable, habituelle, ou un arrière-plan: « Je prenais le train tous les matins ». Le passé composé (ou le passé simple à l’écrit littéraire) marque une action ponctuelle, achevée: « Ce matin, j’ai pris le train à 7h ». De fil à aiguille, on construit un récit fluide en alternant ces valeurs. Pour culture générale, le passé simple de « prendre » est: je pris, tu pris, il prit, nous prîmes, vous prîtes, ils prirent; participe passé « pris » reste identique.
Ce qu’il faut faire: Associer chaque temps à son « rôle » dans la phrase.
- Fond de scène, habitude: imparfait.
- Exemple: « Quand j’étais étudiant, je prenais des notes à la main. »
- Action qui avance l’histoire: passé composé.
- Exemple: « À 9h, j’ai pris la parole. »
- Récit littéraire soutenu: passé simple.
- Exemple: « Il prit sa plume et écrivit. »
- Test rapide: Si vous pouvez remplacer par « en train de » sans gêne, l’imparfait s’impose souvent: « Je prenais » ≈ « j’étais en train de prendre ».
Pour faire court: imparfait pour le décor, passé composé pour l’événement.
Futur, conditionnel et le fameux piège du d
Ce qu’on croit: « Je prendrais » exprime le futur, donc c’est bon avec demain.
Ce qui se passe vraiment: Le futur simple de « prendre » se forme sur la base « prendr- »: je prendrai, tu prendras, il prendra, nous prendrons, vous prendrez, ils prendront. Le conditionnel simple se forme aussi sur « prendr- » mais avec les terminaisons de l’imparfait: je prendrais, tu prendrais, il prendrait, etc. À l’oral, « je prendrai » et « je prendrais » se prononcent souvent pareil; à l’écrit, la différence -rai vs -rais est essentielle.
Ce qu’il faut faire: Ancrer une astuce de contexte et une astuce de morphologie.
- Astuce contexte: « Demain » → futur: « Demain, je prendrai le train ». « Si… » → conditionnel: « Si j’avais le choix, je prendrais le train ».
- Astuce morphologie: Remplacez par « aller ». On n’écrit jamais « j’irais demain » pour un futur certain; on écrit « j’irai demain ». Appliquez la même logique: « je prendrai demain », « je prendrais si… ».
- Exemples contrastés:
- Futur certain: « À 8h, je prendrai mon café. »
- Hypothèse polie: « J’en prendrais bien un deuxième. »
- Rappel orthographique: Le d ne disparaît pas au futur/conditionnel: « prendrai », « prendrais » gardent « d ».
En fin de compte, distinguer sens et terminaison évite 90 % des confusions.
Subjonctif, impératif et l’alternance en n
Ce qu’on croit: Au subjonctif, on garde « pren- » partout, c’est plus simple.
Ce qui se passe vraiment: Le subjonctif présent alterne comme au présent: je prenne, tu prennes, il prenne, nous prenions, vous preniez, ils prennent. On retrouve donc la double base « prenn- » et « pren- ». À l’impératif, formes correctes: prends, prenons, prenez. De toute évidence, « prend » sans s au singulier est fautif ici. Avec des pronoms, on lie par tiret: « prends-en », « prenez-le ».
Ce qu’il faut faire: Repérer les déclencheurs du subjonctif et automatiser les bonnes formes.
- Déclencheurs fréquents: il faut que, bien que, avant que, pour que.
- Exemples: « Il faut que tu prennes le temps », « Bien qu’il prenne des notes, il oublie ».
- Impératif correct:
- Sans pronom: « Prends une pause », « Prenons du recul », « Prenez des notes ».
- Avec pronom: « Prends-en », « Prenez-le », « Prenez-en ».
- Astuces visuelles:
- Nous/vous: base « pren- » → « que nous prenions », « que vous preniez ».
- Je/tu/il/ils: base « prenn- » → « que je prenne », « qu’ils prennent ».
Dans l’immédiat, s’entraîner avec deux ou trois phrases par jour suffit à fixer les alternances.
Dérivés en prendre et usages fréquents
Ce qu’on croit: « Apprendre » et « comprendre » ne suivent pas les mêmes règles que « prendre ».
Ce qui se passe vraiment: Les verbes en -prendre se conjuguent comme « prendre ». Présent: j’apprends, tu apprends, il apprend, nous apprenons, vous apprenez, ils apprennent; même alternance pour « comprendre », « surprendre », « reprendre », etc. Participe passé: appris, compris, surpris, repris… Futur/conditionnel avec « dr »: j’apprendrai, je comprendrais, et ainsi de suite. De façon générale, les règles d’accord du participe passé et les alternances en n s’appliquent de la même manière.
Ce qu’il faut faire: Étendre la logique de « prendre » à toute la famille, avec des exemples concrets.
- Présent:
- Exemples: « Nous apprenons vite », « Elles comprennent bien », « Ils reprennent le travail ».
- Passé composé:
- Exemples: « J’ai appris la nouvelle », « Elles ont compris le risque », « Les mesures qu’ils ont reprises ».
- Futur/conditionnel:
- Exemples: « J’apprendrai demain », « Je comprendrais mieux avec un schéma ».
- Subjonctif/impératif:
- Exemples: « Il faut qu’elle comprenne », « Apprends-en les bases », « Reprenez-en un peu ».
Sous un autre angle, pensez aux collocations naturelles: « prendre une décision », « prendre en compte », « se prendre pour », « prendre part à ». Par exemple: « Prenez en compte les délais », « Elle s’est prise au jeu », « Il se prend pour un chef ». À long terme, l’imprégnation par des syntagmes figés rend la conjugaison plus instinctive.
Liste récapitulative
| Idée reçue | Conseil utile |
|---|---|
| On écrit « je prend » et « ils prenent » | Au présent, trois bases: je/tu/il « prend- »; nous/vous « pren- »; ils « prenn- ». Écrire: je prends, il prend, nous prenons, ils prennent. |
| Avec « avoir », « pris » ne s’accorde jamais | Accorder avec le COD placé avant: « Les photos que j’ai prises ». Aucune marque avec « en »: « J’en ai pris ». Pronominal: accord si « se » est COD. |
| « Je prenais » et « j’ai pris » expriment la même chose | Imparfait pour l’habitude ou le décor; passé composé pour l’action ponctuelle. Choisir selon la valeur du temps. |
| « Je prendrais » exprime un futur certain | Futur: « je prendrai ». Conditionnel: « je prendrais ». Contexte test: « demain » → futur; « si » → conditionnel. |
| Au subjonctif, on garde « pren- » partout | Subjonctif présent alternant: je prenne, nous prenions. Impératif: prends, prenons, prenez; avec pronoms: prends-en, prenez-le. |
| Les verbes en -prendre font exception | « Apprendre », « comprendre », « reprendre », etc., se conjuguent comme « prendre »: mêmes alternances, mêmes accords, mêmes bases au futur/conditionnel. |
Conclusion
En fin de compte, appliquer ces points simples permet d’éviter bien des erreurs et de gagner en fluidité. De fil à aiguille, « prendre » devient un allié: vous saisissez ses alternances, vous accordez « pris » sans hésiter, vous distinguez futur et conditionnel avec naturel. Ce qu’on croit souvent vrai ne résiste pas aux faits… et c’est tant mieux pour progresser. Si vous voulez, on peut prolonger avec des exercices ciblés sur les formes qui vous coincent le plus.