À première vue, « permettre » semble un verbe tranquille. En réalité, il cumule les pièges de la troisième conjugaison, l’orthographe à deux t, les accords du participe passé et des constructions prépositionnelles parfois tatillonnes. À vrai dire, vous n’êtes pas le seul à chercher une solution simple… et fiable.
De façon générale, on progresse vite en distinguant ce qu’on croit, ce qui se passe vraiment et ce qu’il faut faire. Voyons ensemble ce qu’il en est vraiment et comment bien faire.
Maîtriser l’auxiliaire et l’accord de « permis »
Ce qu’on croit : « J’ai permise » ou « Elles se sont permises de… » sont corrects.
Ce qui se passe vraiment : « Permettre » se conjugue avec l’auxiliaire avoir aux temps composés: j’ai permis, nous avions permis, ils auront permis. Le participe passé est « permis ». Avec avoir, il reste invariable, sauf si un complément d’objet direct (COD) est placé avant. Exemple rare mais juste: « Les libertés qu’ils ont permises » (le COD « les libertés », placé avant, commande l’accord). Pour la forme pronominale « se permettre », on emploie être (« elles se sont permis de… »), mais ici le pronom se est généralement complément d’objet indirect: par conséquent, pas d’accord du participe passé. On écrit donc « elles se sont permis de partir », et non « permises ».
Ce qu’il faut faire : Assurez-vous d’identifier l’auxiliaire et la fonction du pronom/complément.
- Règle sûre : Avec avoir, pas d’accord, sauf COD antéposé. Avec « se permettre », participe passé invariable dans l’immense majorité des cas.
- Exemples : « J’ai permis l’accès. » / « L’accès que j’ai permis. » / « Elles se sont permis d’insister. »
- À surveiller : Accords possibles si « permettre » a un COD direct placé avant: « Les entorses qu’on leur a permises. » En d’autres termes, accordez seulement si vous pouvez remplacer par « l’avoir permises ».
Présent, futur et conditionnel : l’orthographe qui coince
Ce qu’on croit : « Je permet », « nous permetons », « je permetrai » sont acceptables.
Ce qui se passe vraiment : Au présent: je permets, tu permets, il permet, nous permettons, vous permettez, ils permettent. On note le double t à « nous » et « vous ». Le futur et le conditionnel prennent le radical « permettr- » (deux t): je permettrai, tu permettras, il permettra; je permettrais, tu permettrais… De toute évidence, l’erreur la plus fréquente est de supprimer un t ou d’en ajouter un au mauvais endroit.
Ce qu’il faut faire : Mémorisez l’analogie avec « mettre » (je mets / nous mettons / je mettrai).
- Présent modèle : « Aujourd’hui, je permets une exception; demain, nous permettons une seconde chance. »
- Futur simple : « Ce dispositif permettra d’accélérer les démarches; je permettrai un délai supplémentaire. »
- Conditionnel : « À long terme, nous permettrions une plus grande souplesse si… » / « Je permettrais cela à une condition. »
Imparfait, subjonctif et impératif : les bons réflexes
Ce qu’on croit : « Que je permets » au subjonctif, « permetes » à l’impératif, c’est correct.
Ce qui se passe vraiment : À l’imparfait, le radical est « permett- »: je permettais, nous permettions. Le subjonctif présent: que je permette, que tu permettes, qu’il permette, que nous permettions, que vous permettiez, qu’ils permettent. L’impératif: permets (2e personne singulier), permettons (1re pluriel), permettez (2e pluriel). « Permettre que » se construit avec le subjonctif: « Cela permet que chacun s’exprime. »
Ce qu’il faut faire : Repérez les déclencheurs de mode et fixez trois formes clés.
- Imparfait d’arrière-plan : « À l’époque, il permettait des horaires souples. »
- Subjonctif après « permettre que » : « Cette règle permet que tout le monde participe. » / « Il ne permet pas que cela arrive. »
- Impératif utile : « Permets-toi de poser des questions. » / « Permettez que je précise un point. »
Les constructions justes : « permettre de », « permettre à quelqu’un de »
Ce qu’on croit : « Permettre à ce que… » ou « permettre quelqu’un de… » passent sans problème.
Ce qui se passe vraiment : Les constructions les plus naturelles sont: « permettre de + infinitif » et « permettre à + nom/pronom + de + infinitif ». On peut, plus rarement, avoir un COD direct (« permettre l’accès »). « Permettre à ce que » est lourd et déconseillé; préférez « permettre que » (avec subjonctif) ou « permettre de ». D’une part, « permettre de » répond à « quoi ? » (action), d’autre part, « permettre à + personne + de » indique à qui l’on donne la possibilité.
Ce qu’il faut faire : Choisissez la structure en fonction de l’objet.
- Action visée : « Ce badge permet d’entrer. » / « Ce budget permet de financer le projet. »
- Bénéficiaire : « Cette mesure permet aux étudiants de travailler. » / « Je lui permets de partir plus tôt. »
- Alternative à « à ce que » : « Cette décision permet que chacun soit entendu. » (subjonctif) ou « Cette décision permet à chacun de s’exprimer. »
« Se permettre » : nuance de sens et registre
Ce qu’on croit : « Se permettre de » signifie demander la permission.
Ce qui se passe vraiment : « Se permettre de » exprime l’idée d’oser, de s’autoriser soi-même, parfois avec une nuance de hardiesse: « Je me permets de vous relancer. » Ce n’est pas une demande d’autorisation; c’est, pour faire court, une prise d’initiative plus ou moins polie. Sous un autre angle, le registre peut varier: très poli (« Je me permets de vous écrire ») ou franchement critique (« Il se permet des remarques déplacées »).
Ce qu’il faut faire : Employez « se permettre de » pour marquer l’initiative ou la liberté que l’on prend.
- Politesse professionnelle : « Je me permets de revenir vers vous au sujet du dossier. »
- Réserve ou reproche : « Il se permet des familiarités. »
- Permission accordée par autrui : utilisez « permettre à quelqu’un de »: « On lui a permis de rester. »
Négation, restriction et alternatives à « permettre »
Ce qu’on croit : « Il ne permet pas que + indicatif » est la tournure standard.
Ce qui se passe vraiment : À la forme négative, « permettre que » appelle le subjonctif: « Il ne permet pas que cela se produise. » Par ailleurs, « ne pas permettre » équivaut souvent à « interdire »: « Le règlement n’autorise pas / interdit de fumer. » Quoi qu’il en soit, selon le contexte, d’autres verbes sont parfois plus nets: « autoriser », « tolérer », « donner la possibilité de », « rendre possible ».
Ce qu’il faut faire : Clarifiez l’intention (permission, possibilité, tolérance).
- Négation + subjonctif : « La charte ne permet pas que des retards soient accumulés. »
- Verbes alternatifs : « Le règlement autorise l’accès. » / « Cette solution rend possible une mise à jour rapide. »
- Forme simple et claire : « On n’autorise pas les téléphones » plutôt que « On ne permet pas que les téléphones soient utilisés ».
Accord avancé et cas moins fréquents
Ce qu’on croit : « Avec “permettre”, il n’y a jamais d’accord possible.
Ce qui se passe vraiment : En fin de compte, l’accord avec « permettre » existe lorsque le verbe a un COD direct antéposé. C’est moins courant que « permettre à quelqu’un de + inf. », mais la construction directe est attestée: « permettre quelque chose à quelqu’un ». Si ce « quelque chose » est repris avant le verbe, le participe passé s’accorde: « Les dérogations qu’ils ont permises ont été encadrées. »
Ce qu’il faut faire : Identifiez la nature du complément avant de trancher.
- Test du pronom : Remplacez par « les »/« la » placé avant: « Les dérogations qu’ils les ont… » (mal dit, mais vous voyez le placement), puis accordez « permises ».
- Prudence stylistique : Préférez, dans l’immédiat, les tournures claires « permettre de » ou « autoriser » si le style le permet; gardez l’accord direct pour les contextes formels où il s’impose.
Récapitulatif express
| Idée reçue (Ce qu’on croit) | Conseil utile (Ce qu’il faut faire) |
|---|---|
| Avec « avoir », pas d’accord sauf COD antéposé; avec « se permettre », participe en général invariable: « Elles se sont permis de… » | |
| Présent: nous permettons (deux t); futur/conditionnel: radical « permettr- » → « je permettrai », « je permettrais » | |
| Subjonctif: « que je permette / que nous permettions »; impératif: « permets / permettons / permettez » | |
| Préférez « permettre de + inf. » ou « permettre à + nom + de + inf. »; « permettre que + subjonctif » sans « à ce » | |
| « Se permettre de » = s’autoriser/oser (« Je me permets de… »); pour l’autorisation: « permettre à quelqu’un de » | |
| À la négation, « permettre que » + subjonctif: « Il ne permet pas que cela se produise » | |
| Accord possible si COD antéposé direct: « Les dérogations qu’ils ont permises » |
Conclusion
Pour faire court, « permettre » obéit à des règles stables: auxiliaire avoir, participe passé « permis » quasi invariable, double t aux bonnes places, subjonctif après « permettre que », constructions « permettre de » et « permettre à quelqu’un de ». Au fil du temps, ces réflexes deviennent automatiques… et libérateurs. En fin de compte, appliquer ces points simples permet d’éviter bien des erreurs. Ce qu’on croit souvent vrai ne résiste pas aux faits… et c’est tant mieux pour progresser. Si vous voulez, on peut maintenant passer à des exercices ciblés sur les temps qui vous posent le plus de questions.