Succession au féminin

Quand une femme devient la prochaine à la barre d’une entreprise, c’est souvent vécu comme un “cas particulier”… alors qu’en réalité, c’est juste une succession bien préparée ou non. De prime abord, on pense culture, histoire familiale, traditions. Mais, dans les faits, ce sont surtout des choix d’organisation très précis qui font la différence entre une transition fluide et une passation chaotique. Dès lors, voyons ce qui coince, ce qui marche, et comment mettre en place une succession au féminin solide et assumée.

1) Ce n’est pas “le fils d’abord”, c’est “les critères d’abord”

Les erreurs fréquentes → Le fils aîné est “naturellement” le mieux placé pour reprendre.

La réalité / fiable → Dans le cadre de nombreuses entreprises familiales, des stéréotypes continuent d’orienter la succession vers les fils, parfois par réflexe, parfois par croyance ancrée. Or la recherche souligne des biais persistants (préférence pour les fils premiers-nés, assignations de rôles, attentes implicites), alors même que les critères modernes de leadership sont neutres par rapport au genre: vision, prise de décision, gestion des risques, gouvernance. En l’occurrence, la littérature identifie les stéréotypes et la préférence pour l’héritier masculin comme des obstacles récurrents à une relève féminine, au détriment d’une évaluation objective des compétences2.

Solutions et bonnes pratiques →

  • Définir des critères publics. Formalisez une “fiche de rôle” de la future direction: missions, décisions clés, indicateurs attendus, gouvernance, délais. Par exemple: “Piloter le plan stratégique 2026-2029”, “Atteindre X% d’EBITDA à 36 mois”, “Renforcer la gouvernance par 4 comités actifs”.
  • Évaluer sur preuves. À l’instar de tout recrutement sérieux, alignez les candidats (fille, fils, nièce, directrice interne, profil externe) sur des cas concrets: exercice de décision simulée, revue d’un business plan, pitch au board, Q&A sur une crise client.
  • Impliquer un tiers. En parallèle des discussions familiales, invitez un administrateur indépendant ou un cabinet d’évaluation à produire une recommandation écrite, au sens strict des critères. Résultat: moins de subjectivité, plus de légitimité.

2) La planification: pas plus tard, maintenant

Les erreurs fréquentes → On verra ça le moment venu, la succession se fera naturellement.

La réalité / fiable → Dans les faits, beaucoup d’entreprises planifient le transfert de propriété plus tôt que le transfert de pouvoir, ce qui crée un décalage dangereux: de beaux montages d’actions… mais un flou total sur qui décide et comment. En pratique, une étude signale qu’une planification concrète n’existe que dans 43% des entreprises, et 39% n’ont pas encore planifié la succession. Résultat prévisible: transitions tardives, tensions, perte d’élan stratégique. Par ailleurs, moins d’un quart des entreprises familiales survivent à la deuxième génération, et moins de 20% à la troisième, d’où l’urgence d’un vrai plan de relève, à terme, bien piloté2.

Solutions et bonnes pratiques →

  • Calendrier en trois temps.
    • Dans un premier temps (T-24 mois): cadrage du rôle, identification des 2-3 candidats, plan de développement.
    • Dans un second temps (T-12 mois): délégation progressive des décisions (budget, RH, clients stratégiques), présence conjointe aux comités.
    • À l’issue de (T0): passation officielle, rôles clarifiés (président·e / DG), feuille de route validée.
  • Séparer propriété et pouvoir. Au sens large, distinguez les actes juridiques (actions, pactes) du mandat opérationnel (qui signe, quoi, quand). Écrivez-le noir sur blanc dans une décision du conseil.
  • Simuler la crise. Exercice “comme si”: perte d’un gros client, rappel produit, cash tendu. La future dirigeante arbitre, argue, décide. Le board observe, feedbacke, acte. Tout compte fait, c’est le meilleur test.

Pour faire court: ce qui n’est pas planifié finit rarement bien. Un plan rythme, rassure et crédibilise2.

3) Les faits têtus: la relève féminine existe, mais bute sur des freins précis

Les erreurs fréquentes → S’il n’y a pas plus de successeures, c’est qu’elles ne veulent pas.

La réalité / fiable → En réalité, plusieurs freins structurent l’accès des femmes à la succession: stéréotypes de genre, préférences familiales pour les fils, arbitrages vie perso/vie pro, choix d’études réputées “moins légitimes”, attentes professionnelles, et même dynamiques père-fille ou mère-fille. Ces freins, documentés dans la littérature, n’ont rien à voir avec une “absence d’ambition” mais tout avec des mécanismes sociaux et organisationnels bien identifiés3.

Solutions et bonnes pratiques →

  • Audit de barrières. D’un point de vue opérationnel: cartographiez les freins dans votre contexte: qui est pressenti “par défaut”, quels signaux en réunion, quels stéréotypes dans le langage. Par exemple: “elle est très empathique, mais…” = biais.
  • Mentorat croisé. Associez la future successeure à un mentor externe (autre dirigeante successeure) et à un sponsor interne (administrateur). Grâce à ce binôme, elle gagne en capital politique et en arbitrage tactique.
  • Rituels de reconnaissance. Annonces officielles, responsabilités visibles (pitchs investisseurs, grands comptes), place dans les médias de l’entreprise. En conséquence, la légitimité se construit au grand jour, pas en coulisses3.

4) Gouvernance: le conseil arbitre, pas le salon familial

Les erreurs fréquentes → On s’arrangera en famille, on se comprend sans formalités.

La réalité / fiable → Au sens strict de la bonne gouvernance, la succession est un sujet du conseil d’administration, pas seulement une affaire de salon. Les meilleures pratiques consistent à mettre la relève à l’ordre du jour suffisamment tôt, à définir une grille d’évaluation, et à distinguer clairement les registres: ce qui relève du patrimoine, du management, et du long terme. Notamment, dans les entreprises familiales (qui pèsent lourd dans les économies développées), la qualité de la gouvernance influe directement sur la pérennité lors de la transmission2.

Solutions et bonnes pratiques →

  • Feuille de route du conseil. Au préalable, le conseil valide: critères, étapes, jalons, modalités d’annonce. Puis, il contrôle l’avancement tous les trimestres.
  • Comité ad hoc. Le cas échéant, créez un comité Succession (3-4 membres, dont 1 indépendant) qui auditionne, évalue et recommande.
  • Procès-verbal “cap”. Décidez officiellement “qui tient la barre” jusqu’à ce que la succession soit achevée. Tant que la transition n’est pas finalisée, on évite les zones grises.

5) Travail, famille, timing: organiser le réalisme, pas l’idéal

Les erreurs fréquentes → La succession se gère comme d’habitude, sans aménagements particuliers.

La réalité / fiable → En pratique, la question vie pro/vie perso intervient souvent dans le parcours des successeures: disponibilité, mobilité, parentalité, entourage. En dépit de discours “méritocratiques”, ignorer ces paramètres conduit à des calendriers intenables et à des tensions inutiles. Pour autant, l’expérience montre qu’avec une organisation souple, le passage de témoin se fait très bien.

Solutions et bonnes pratiques →

  • Phases aménagées.
    • Au fil du temps: co-direction pendant 6-9 mois, avec décision finale attribuée par périmètre.
    • Dorénavant: réunions stratégiques calées à des horaires compatibles; déplacements groupés plutôt que morcelés.
  • Équipe de direction renforcée. Déléguez en étoile: un COO solide, une DRH proactive, un CFO partenaire. Par nécessité, la relève ne doit pas reposer sur une seule personne “surhumaine”.
  • Contrats clairs. À condition que le board valide: objectifs réalistes à 12 et 24 mois; indicateurs mesurables; clause de revoyure trimestrielle. Quoi qu’il en soit, la transparence protège tout le monde.

6) Propriété ≠ pouvoir: deux trajectoires, un même cap

Les erreurs fréquentes → Transmettre les parts suffit: le pouvoir suivra naturellement.

La réalité / fiable → Dans le cadre de nombreuses transmissions, le transfert d’actions est planifié tôt, mais le passage effectif des commandes opérationnelles traîne. Résultat: flou sur qui décide, blocages de projet, signaux contradictoires aux équipes et aux partenaires. Les observations montrent que ce décalage est courant: on s’occupe du juridique, on reporte l’opérationnel. Au final, c’est la recette parfaite pour une relève fragilisée.

Solutions et bonnes pratiques →

  • Deux plans séparés.
    • Plan propriété: actions, droits de vote, pactes, calendrier fiscal.
    • Plan pouvoir: qui signe quoi, dès quand, quelles décisions transférées à J+30, J+90, J+180.
  • Passerelles visibles. Comme si on balisait une route: signature de la future dirigeante sur les communiqués clés; pilotage des comités stratégiques; prise de parole aux instances externes.
  • Date butoir. Jusqu’à ce que le pouvoir soit effectivement exercé, on maintient un “capitaine par défaut” désigné par le conseil. À terme, la confusion disparaît.

7) Légitimité externe: client·es, banques, équipes… tout le monde doit comprendre

Les erreurs fréquentes → On annoncera la nomination à la fin, ça évitera les débats.

La réalité / fiable → En théorie, annoncer tard évite les remous. En réalité, cela crée du bruit de couloir, des résistances cachées et une phase de flottement dangereux, au grand dam de la performance. Les écosystèmes (clients majeurs, banques, partenaires) ont besoin d’un message simple: qui décide, avec quel mandat, pour combien de temps, et avec quels objectifs. Entre autres, dans les entreprises familiales, la dimension symbolique compte: ce qu’on dit et ce qu’on montre sont aussi importants que ce qu’on signe.

Solutions et bonnes pratiques →

  • Plan de com’ en 3 cercles.
    • Cercle 1 (interne clé): COMEX, managers, représentants sociaux. Message détaillé, Q&A, calendrier.
    • Cercle 2 (externe clé): top 20 clients, banques, fournisseurs stratégiques. Message orienté continuité + cap.
    • Cercle 3 (large): annonce à l’ensemble, réseaux pro. Message court, clair, cohérent.
  • Symboles forts. Signature de contrats stratégiques par la successeure, interviews ciblées, visites terrain. En conséquence, le marché “voit” la légitimité autant qu’il l’entend.
  • Mesures rapides. 3 décisions “signal”: par exemple, sécurisation d’un chantier, nomination d’un profil clé, lancement d’un projet prioritaire.

8) S’appuyer sur l’économie réelle: poids des entreprises familiales et exigence de méthode

Les erreurs fréquentes → La succession, c’est anecdotique: on s’adapte toujours.

La réalité / fiable → Au sens large, les entreprises familiales représentent une part majeure de l’économie, en Europe comme en France. En Europe, on compte plus de 14 millions d’entreprises familiales, générant plus de 60 millions d’emplois. En France, elles représentent au moins 60% des entreprises, et jusqu’à 83% chez celles de première génération qui envisagent une succession. Dès lors, préparer sérieusement la relève n’est pas une coquetterie: c’est un enjeu de pérennité et d’emplois.

Solutions et bonnes pratiques →

  • Mettre des moyens. Budget d’accompagnement (coaching, évaluation, formation), temps de conseil, séminaires d’alignement familial. Faute de moyens, la succession reste un vœu pieux.
  • Benchmarker. À l’égal de vos pairs, comparez vos pratiques: avez-vous une fiche de rôle? Un plan en 3 étapes? Un message externe? Si non, priorisez.
  • Mesurer et ajuster. Indicateurs simples: délais de passation, décisions transférées, satisfaction des équipes, feedback des clients stratégiques. Pour autant que l’on mesure, on progresse.

9) Quelques repères factuels pour agir sans mythes

Les erreurs fréquentes → “Ça se passera bien, on a toujours fait comme ça.”

La réalité / fiable → Dans les faits, moins d’un quart des entreprises familiales passent avec succès la deuxième génération, et moins de 20% la troisième. En parallèle, la recherche décrit des obstacles spécifiques à la relève féminine (stéréotypes, préférences familiales, arbitrages de vie). Tout cela n’est pas une fatalité: c’est précisément pour cela que la planification, la gouvernance et l’évaluation objective sont déterminantes1.

Solutions et bonnes pratiques →

  • Check-list express.
    • Rôle écrit, public, validé.
    • 2-3 candidats évalués “à l’aveugle” sur cas concrets.
    • Plan T-24/T-12/T0 et jalons clairs.
    • Séparation propriété/pouvoir, dates effectives.
    • Communication en 3 cercles, symboles forts.
    • Mentorat externe + sponsor interne.
  • Exemple concret. PME industrielle, 180 salarié·es. La fille de la dirigeante pilote depuis 6 mois le plan CAPEX et le comité Qualité. À condition que le board valide ses 3 “signaux” (sécuriser un client A, recruter un directeur d’usine, réduire rebut de 20%), la passation est actée à T0. Résultat attendu: effet de clarté, confiance des banques, alignement managérial.

10) La fratrie et l’équité: gérer les émotions, verrouiller le process

Les erreurs fréquentes → Choisir la fille, c’est “léser” le fils; il faut contenter tout le monde.

La réalité / fiable → En théorie, on voudrait satisfaire toutes les sensibilités. En pratique, une entreprise n’est pas un arbitrage d’héritage: c’est un système productif qui a besoin de clarté. Les travaux sur genre et succession montrent que la présence d’un fils tend à influencer le processus… parfois au détriment de l’évaluation objective. Pour autant, l’équité ne s’oppose pas à l’efficacité: elle exige un cadre net1.

Solutions et bonnes pratiques →

  • Règles écrites. Critères, calendrier, rôles. C’est “non négociable” une fois voté par le conseil.
  • Voies d’engagement. Offrir au membre non retenu un rôle stratégique (patrimoine, présidence du conseil, direction d’une BU), le cas échéant. En parallèle, éviter les co-DG “par apaisement” si le business ne le justifie pas.
  • Médiation. En cas de tension, recourir à un médiateur; tant que l’on évite les non-dits, on protège l’entreprise et la famille.

11) Montée en compétences: capital humain et crédibilité

Les erreurs fréquentes → Il faut le “même profil” que le dirigeant sortant.

La réalité / fiable → Par rapport à une logique de clonage, la réalité du marché impose d’autres compétences: pilotage data, transformation digitale, compliance, gouvernance, communication de crise. Notamment, les recherches en succession insistent sur la qualité de la décision stratégique du futur leader et sur l’allocation de ressources à son développement, pas sur la reproduction d’un style.

Solutions et bonnes pratiques →

  • Matrice de compétences. Colonne A: compétences requises; Colonne B: niveau actuel de la candidate; Colonne C: plan d’élévation (mentorat, formation, missions élargies). Ex: “Négociation bancaire avancée → formation + co-négociation 3 dossiers > 5 M€.”
  • Exposition contrôlée. “Shadowing” du DG sortant pendant 3 mois, puis “reverse shadowing” (la successeure décide, le DG observe et conseille).
  • Retours cadencés. Feedback 360° à J+90, J+180, J+360, avec décisions de soutien (coaching, renforts) en conséquence.

Tout compte fait, une succession au féminin réussie ne tient ni aux slogans, ni aux “qualités naturellement féminines ou masculines”. Elle tient à une méthode lisible, des critères publics, un calendrier tenable et une gouvernance qui tranche. Malgré tout, il faudra parfois composer avec l’histoire familiale et les egos; à tort ou à raison, les symboles comptent. Au final, une idée simple: quand le processus est clair, la compétence gagne. En fin de compte, c’est ce qui protège l’entreprise, l’emploi, et la famille. On signe où, et on s’y met quand?

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